Like the Brown in your eyes | uc.

« Nan mais c’est pas vrai ?! Un peu de jugeote, vous en avez parfois ? ». Mme Harper n’était pas contente, non, pas contente du tout. Debout, les bras croisés, face à ce gamin insolant qui la regardait avec un air de chien battu, elle jurait contre le monde entier et son incompétence. Comment diable cela avait-il pu arriver à sa fille ? Epouser un minable pareil, tomber enceinte… Et maintenant, ça. Un drame familial ! Une honte sur leur nom. Une série de cris s’échappa de la porte en bois blanc, et Mme Harper grimaça. En face de lui, le gamin fronçait le nez comme un malheureux qui s’apprêtait à se faire battre. Elle soupira longuement, et envoya valser sa main dans le vide comme pour le chasser de sa propre maison.
Paul Anderson se sentait vraiment très mal. Cette femme était tellement imposante qu’elle était capable de l’assassiner rien qu’à l’aide d’un regard, et il fallait avouer que le très faible degré de répartie de Paul ne lui permis pas de se défendre comme il l’aurait voulu.

Un peu plus tôt dans la journée, Lilian Anderson s’était réveillée avec des contractions impensables, qui la faisaient hurler de douleur. Son pauvre et innocent mari avait alors proposé de l’emmener à la clinique, mais les contractions cessèrent soudainement. « Ca va beaucoup mieux. Fausse alerte. ». Et cet innocent l’avait crue. C’était pour ça que Belle-Maman était agacée. Il avait laissé sa femme mener ses idées à bout. Accoucher à la maison. « Elle va bien, c’est une fille. Nous allons les emmener toutes les deux à la clinique maintenant, vous nous accompagnez ? ». Il hocha faiblement la tête, jetant un regard anxieux à Mme Harper mère, et quelques secondes plus tard, il tenait la faible main de sa femme dans ‘ambulance, les yeux attendris plongés sur sa fille.


Et voilà, c’était comme ça qu’était née Brown, dans la précipitation et l’angoisse. Tout ce qui avait suivi avait été du même accabit : le choix du prénom, d’abord, qui s’était fait tellement rapidemment que Lilian l’avait baptisé du nom de son ancienne université, Brown. Les habits, la chambre, le retour à la maison, les premières couches. Lilian & Paul étaient des jeunes parents, bien sur, mais en réalité, Brown était sûre qu’ils avaient été pires que les autres. Finalement, quand elle voyait les caprices de sa Grand-Mère, la terrifiante Grand-Mère, elle comprenait pourquoi celle-ci jugeait toujours utile de surveiller sa fille de quarante ans. Lilian Anderson était une gamine qui aimait prendre du bon temps et chanter des chants pacifistes en nettoyant les toilettes.

Malgré tout, on ne peut pas dire que l’enfance de Brown fut malheureuse. Elle fréquenta une école publique tout au long du primaire. Elève plutôt sérieuse, et fille au caractère fort, elle se fit rapidement des amis proches, et se bâtit un monde magique un peu trop parfait.
« Brown, tu m’embêtes ! J’vais l’dire à la maitresse ! ». Kelly explosa de rire en même temps qu’elle disait ces stupidités. Brown sourit, et lui ficha un coup dans le bras. « Tu peux pas, tu m’aimes trop ! ». Kelly roula des yeux et fixa son petit cartable rose sur ses épaules, toutes fines. « Pourquoi est-ce que ton père est à la grille ? » Brown haussa les épaules, et courut vers son père, qui avait l’air triste et fatigué. « Tout va bien ? ». Paul passa ses doigts rèches dans la chevelure blonde de sa fille et hocha tristement la tête. « Oui, ma chérie. »
Première dispute.

Ses six années de primaire se déroulèrent sur le même ton monotone. De temps en temps, ses parents se faisaient la tête et s’éloignaient l’un de l’autre. Mais en général, ils se retrouvaient rapidement, faisaient la fête et on ne sait quoi d’autre encore.